BoDoï, la newsletter : ça sent les vacances, non ?
On vous a déniché des albums qui vous emmènent à la campagne, à la montagne, sur une île... On en a bien besoin, n'est-ce pas ?
Une sélection estivale concoctée par Maxime Gueugneau, Frédéric Hojlo, Natacha Lefauconnier et Benjamin Roure.
Panique au Mexique
Sept ans après Ted, drôle de coco – Fauve Révélation à Angoulême, tout de même –, Émilie Gleason rebelote avec ses aventures quasiment autobiographiques. Même famille, plan plus large. On ne s'intéresse plus seulement à son petit frère autiste mais c'est toute la smala qui est scrutée lors de vacances organisées par le père dans son pays d'origine. Folie humoristique et outrances graphiques tempêtent dans ce livre classé au rayon époustouflant. Il n'en oublie pourtant pas de toucher au cœur. L'exubérance d'Émilie Gleason se met, comme souvent, au service d'un propos plus profond, ici sur les rapports ambivalents que nous entretenons avec nos proches, entre attachement durable et haines passagères. Si ça vous ressemble, c'est normal. M.G.
Les Gugusse en vacances. Par Émilie Gleason. Atrabile, 184 p., 21 €.
Carnet de voyage urbain
Bouillot, homme discret et sans âge, dort le jour pour être à son poste de gardien de parking la nuit. Sous les néons, sa vie artificielle s’écoule, monotone. Sa seule distraction : le dessin. Or un événement se prépare : Bouillot est sur le point de partir en Alaska. Le voyage de toute une vie (d’économies), qu’il a soigneusement préparé. Mais un grain de sable se glisse dans l’engrenage, et voilà notre voyageur contraint de s’adapter à un environnement bien différent de sa destination initiale. Qu’importe ! Bouillot suit son programme et commence son carnet de voyage… Tout en effleurant de son crayon les dérives de notre société – le low cost, l’indifférence – Chabouté nous ouvre les portes de la beauté et de la poésie du monde, qui se trouvent là, juste sous nos yeux, pour peu que l’on prenne le temps d’observer. Avec sa magie du noir et blanc, et quelques notes de couleur, l’auteur nous offre un merveilleux voyage intérieur, à la rencontre de notre propre humanité. N.L.
Plus loin qu’ailleurs. Par Christophe Chabouté. Vents d’Ouest, 152 p., 24 €.
L’impossibilité d’une île
Besoin de changer d’air ? Une envie d’exotisme ? Marre du surtourisme ? On peut faire confiance à l’auteur des Turkish Delights, diffusés sur Canal+ il y a une vingtaine d’années, et co-créateur avec Pierre La Police de La Balançoire de Plasma (Cornélius) pour imaginer la destination idéale. Une seule solution donc : Barcarolle !
Certes, le voyage sur cette île imaginée par Jean Lecointre ne sera pas forcément des plus reposants. Mais il faut y suivre Poulenc, cet ancien professeur aux facultés mentales décuplées par les drogues, pour avoir la chance d’y vivre une expérience sans égale, aux confins de l’onirisme, de la psychanalyse et du surréalisme – le terme est inévitable. Le tout dans une atmosphère légèrement désuète, née des collages délicieusement vintage de l’auteur.
Poulenc, épuisé par ses sautes d’humeur et ses addictions, cherche à Barcarolle un repos éternel ou une vie apaisée. Mais ce qu’il y trouve dépasse sa psyché pourtant survitaminée. Amour, aventure, catastrophes et délires divers et variés : la vie à Barcarolle est indéfinissable, inattendue, incroyable. Comme l’œuvre de Jean Lecointre finalement. F.H.
Barcarolle. Par Jean Lecointre. Actes Sud BD, 328 p., 30 €.
American colo
Ado timide et collégien souvent moqué dans son établissement, Dan se rend à l’aéroport à reculons : il est inscrit dans un voyage d’ados pour l’Europe, un trip estival pour jeunes Américains avant d’entrer au lycée. Mais il a peur d’être encore celui dont on rigole au fond du car… Bonne surprise, l’ambiance est bonne et il gagne confiance en lui. Et profite à fond des monuments français, de la campagne suisse et d’un premier flirt ! Les ados d’aujourd’hui se projetteront facilement dans le récit des souvenirs de l’auteur, parce qu’il fleure bon la liberté à laquelle ils aspirent et est désarmant de sincérité. Les parents, eux, y trouveront un délicieux moment de nostalgie, un retour dans une époque sans portable ni Internet, où plein de choses étaient paradoxalement plus simples. Comme une virée de nuit dans les rues autrichiennes ou s’incruster à une demi-finale de Wimbledon. B.R.
Le Meilleur Voyage de toute ma vie. Par Dan Santat. Rue de Sèvres, 304 p., 18 €.
Les cahiers de vacances ne sont plus une corvée
Verbicrucistes et sudoku-maniaques, réjouissez-vous : le monde impitoyable du sport cérébral garde encore quelques lieux de douceur. Matière Grasse sort ainsi le 9e numéro de sa revue éponyme sous la forme d'un cahier de vacances. On y retrouve nombre de petits jeux illustrés par les figures montantes du 9e art, en commençant par Camille Gobourg, qui fait la couverture, mais aussi Camille Potte, Clara Hervé, Alexandre Géraudie ou encore Marie Boisson. De son côté tienstiens reprend son gorille fétiche, Koko, aidé par Ami Inintéressant et Bandes Détournées. Enfin, les éditions SULO rééditent leurs trois recueils de mots fléchés, dont nous noterons que le dénommé Super Sumo ! contient des planches d'Elsa Marraudino et Camille Blandin, entre autres. Comme ça, au pire, si vous calez sur ce foutu « Coule à Mulhouse » en trois lettres, il y aura quand même de jolies choses à lire. M.G.
> Matière Grasse #9, éditions Matière Grasse, entre 18 et 24 € selon le tarif choisi : https://www.matieregrasse.fr/shop/mg9
> Le Cahier de Congés Payés de Koko, de tienstiens, éditions Bandes Détournées, disponible en pack avec Koko n'aime pas le capitalisme à la plage de tienstiens sur le site bandesdetournees.fr
> Super Sumo !, éditions Sulo, 12 €.
L’ivresse des sommets
« Le Tor des Géants, c’est juste l’une des courses de trail les plus dures du monde : 330 km, 25 cols et 24 000 m de dénivelé positif. » Voilà ce qui attend Sam Hill et mille autres participant·es dans les Alpes italiennes. Le format du livre, à l’italienne lui aussi, permet d’embrasser du regard les chaînes de montagnes et de vivre pleinement cette aventure sportive. C’est fascinant, cette volonté d’affronter la souffrance – cinq jours presque sans dormir, c’est déjà une torture ! – avec à la clé nulle autre récompense que la satisfaction de s’être dépassé. Sam Hill (personnage fictif) est loin d’être un champion comme Kílian Jornet. Dans ces pages aux couleurs vives et contrastées, il raconte son parcours et ce qui le porte : les rencontres, l’exploration des limites de son corps et de son esprit. De quoi nous retourner la tête (les moins souples tourneront plutôt le livre, à partir de la page 169). N.L.
Le Dernier des géants. Par Doug Mayer et William Windrestin. Helvetiq, 224 p., 27 €.
Le grand air de la cambrousse
Se débarrasser quelques jours des gosses en les larguant chez papi et mamie à la campagne, tous les parents en rêvent. Et ne veut pas savoir ce qui s’y passe : c’est un bol d’oxygène pour les grands et une grande lampée de liberté pour les petits, et c’est très bien ainsi. Mais s’ils savaient…
Excellent choix de Bouzard que de placer au centre de ses historiettes la grand-mère, Colette, une paysanne monolithique que rien ne déstabilise et prête à tout pour que sa marmaille prenne du bon temps. Mais entre son petit-fils qui se blesse à tout bout de chant, le pépé qui fait que picoler et le voisin centenaire mais pas impotent qui vocifère en permanence des insanités, le quotidien est assez éreintant. L’auteur dépasse alors l’attendue opposition comique entre gamins citadins et vie rurale, et manipule l’effet de répétition et l’absurde avec métier. Vivement les prochains congés. B.R.
Les Vacances chez Pépé-Mémé. Par Bouzard. Fluide Glacial, 64 p., 14,90 €.
Si jamais le bureau vous manque déjà
Certains êtres humains, soucieux de faire vibrer leur âme, s'adonnent aux jeux de rôles et s'ébrouent régulièrement au milieu de donjons et de dragons. Et si les dragons, de leur côté, faisaient pareil ? Misma réédite la trop méconnue Offices & Humans du Finlandais Roope Eronen, sortie en 2014, dans laquelle nous suivons deux de ces créatures fantastiques qui s'immergent à coups de dés de 20 dans le monde merveilleux des photocopieuses, des ressources humaines et des présentations PowerPoint. Regardant au travers d'yeux plein d'étoiles notre quotidien le plus grisâtre, la BD parvient à démontrer toute l'absurdité du monde du travail tout en étant drôle à un point rarement atteint. Vivement la rentrée. M.G.
> Offices & Humans. Par Roope Eronen, Misma, 172 pages, 18 €
À (re)lire sur le site….
Notre focus sur la sortie inespérée de la VF de The Maxx, comics détonnant des années 90, entre fantaisie héroïque et chronique sociale mention psy.