BoDoï, la newsletter : nos 7 coups de cœur de rentrée
Chaque rédacteur vous conseille un album pour illuminer votre rentrée.
Impénétrable
Par Rémi I.
Les librairies croulent sous les (auto)biographies mettant en scène la maladie, l’intime, ou les deux. Difficile dans ce contexte de se faire une place dans le cœur des lecteurs. Pourtant, certaines BD sortent du lot, tant elles embrassent leur sujet avec une sincérité totale, une limpidité exemplaire, une profondeur de propos, une narration émouvante… et une approche si personnelle qu’elle en devient paradoxalement universelle.
C’est le cas d’Impénétrable, le nouvel ouvrage d’Alix Garin, qui parle de désir, de sexualité, de consentement, de sensations, d’amour, entre autres. L’autrice, déjà remarquée pour son touchant Ne m’oublie pas, livre un témoignage bouleversant dans lequel elle se met à nu, interpelle et saura à coup sûr questionner tout un chacun dans sa propre intimité.
Impénétrable. Par Alix Garin. Le Lombard, 304 p., 29,90 €.
Akissi de Paris T1
Par Romain Gallissot.
En cette rentrée, après la folie des JO, c'est la tornade Akissi qui débarque à Paris. Fini les courses effrénées dans les ruelles du quartier de Yopougon, notre petite héroïne se retrouve embarquée dans la grisaille parisienne. Avec cette nouvelle série, Marguerite Abouet puise encore dans ses souvenirs et fait jaillir de ses fameux carnets un récit rythmé et parfaitement d'actualité, comme elle seule en a le secret.
À l'instar de Lou, Akissi grandit. La voilà au collège, confrontée à un quotidien inédit, avec des codes qui lui échappent. Le choc culturel est immense, mais heureusement, les ressources de la fillette le sont tout autant. Mathieu Sapin est, quant à lui, toujours au rendez-vous. Il fait évoluer son dessin juste ce qu'il faut pour insuffler un nouveau souffle à cette Akissi jeune adolescente, sans renier ses origines.
Akissi de Paris T1. Par Marguerite Abouet et Mathieu Sapin. Gallimard bande dessinée, 80 p., 16,50 €.
Walicho
Par Benjamin Roure.
Après son premier et passionnant album Naphtaline, Sole Otero confirme avec ce nouveau one-shot ambitieux, qui brode, autour d’une famille de sorcières, neuf histoires – dans des temporalités différentes (de l’époque coloniale à nos jours) et des genres littéraires variés – qui finalement s’entremêlent.
Nouvelle gothique, comédie de quadras, récit épistolaire, fable horrifique, l’autrice argentine semble à l’aise dans tous les styles, et adapte justement sa mise en page et son graphisme à chacun, tout en conservant une belle cohérence. Sa ligne fluide et sa mise en scène inventive suscitent tantôt l’effroi, tantôt le rire, avec la même réussite. Une expérience de lecture ludique et intelligente, jouant avec les poncifs comme avec les codes de la BD. Emballant !
Lire la critique complète sur BoDoi.info.
Walicho. Par Sole Otero. Çà et là, 376 p., 28 €.
Phantom Road T1
Par Oliver Pratt.
Le nom de Jeff Lemire (Trillium, Descender, Gideon Falls, Le Labyrinthe inachevé…) est souvent gage de très grande qualité. Chacune de ses nombreuses nouveautés est donc à scruter de près. Et si la couv’ de celle-ci donne l’impression d’une énième histoire de zombies, le pitch de Phantom Road est bien plus alléchant : Dom, chauffeur routier, et Birdie, une jeune femme rescapée d’un accident de la route, sont projetés dans un monde parallèle au nôtre lorsqu’ils entrent en contact avec un étrange artefact…
Les quelque 150 pages de ce premier tome se lisent d’une traite, porté par le dessin hyper nerveux de Gabriel H. Walta et par des rebondissements ininterrompus. Cela impose deux conclusions : 1) 150 pages, c’est très court ! Trop court compte tenu du nombre d’éléments mis en place, tous plus mystérieux les uns que les autres. 2) L’attente va être interminable d’ici au tome suivant.
Phantom Road T1. Par Jeff Lemire et Gabriel H. Walta. Panini comics, 150 p., 22 €.
Chapatanka
Par Natacha Lefauconnier.
Shérif et aspirante romancière, Maddie Edwards s'efforce de puiser l'inspiration dans les enquêtes qu'elle mène avec ses deux acolytes à Chapatanka, "une ville sans histoires" (ou presque). Dans cet album désopilant, les histoires courtes en forment une grande tandis que la cheffe de la police s'essaie à l'écrit… en vain ? Tous les genres littéraires y passent : polar mais aussi SF, horreur ou essai…
Au scénario, B-gnet (Old skull, Santiago…) mélange les clins d’œil aux classiques du cinéma, de Rambo à Bip Bip et Coyote en passant par E.T. On retrouve ses marottes, un petit côté western, de grands espaces, et de savoureux running gags comme l’apparition du témoin-clé. Le dessin énergique de Jocelyn Joret (KidZ…) colle au ton et achève de nous tenir en haleine : Maddie parviendra-t-elle enfin à dépasser la page 1 de son bouquin ?
Chapatanka. Par B-gnet, Jocelyn Joret et Drac (couleurs). Fluide Glacial, 56 p., 15,90 €.
On l’appelait Bebeto
Par Marc Lamonzie.
Dans la Catalogne des années 1990, Carlos traîne sa silhouette d’ado dans le quartier de San Pere, cité déclinante des faubourgs barcelonais. Il vit ses étés au rythme des parties de football sur la dalle, sans davantage d’horizon. Jusqu’à ce qu’il se lie d’amitié avec celui qu’on nomme « Bebeto », un garçon à part, dont la mère a depuis longtemps perdu l’esprit.
Pour son premier album original en tant qu’auteur complet, Javi Rey (Un maillot pour l’Algérie, Violette Morris…) s’inspire de son enfance dans les franges industrielles de la capitale catalane, et offre son regard nuancé sur une époque, à la croisée de tranches de vie nimbées de nostalgie et des réalités qui n’invitent pas aux regrets. Avec son trait, parfaite synthèse entre réalisme et ligne claire, et ses couleurs subtilement texturées et ombrées, il suscite des émotions sans verser dans le pathos, et s’impose comme un auteur pertinent et aguerri.
On l’appelait Bebeto. Par Javi Rey. Dargaud, 144 p., 24 €.
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Le Sens de la vie et ses petits
Par Frédéric Hojlo.
La quête du sens de la vie est sans doute infinie. Philosophie, spiritualité, métaphysique, politique ou même mysticisme : les pistes sont nombreuses. Éric Veillé, lui, a adopté une méthode essentiellement empirique qui lui a permis de conclure que le sens de la vie a non seulement des frères, comme il l’a révélé en 2008 dans sa première bande dessinée, mais aussi des petits.
Il ne faut pourtant pas se fier à la fabrication de ses deux livres édités par Cornélius. Deux petits ouvrages toilés renfermant une écriture serrée et quelque peu mystérieuse ne constituent pas forcément un Ancien et un Nouveau Testaments. Éric Veillé propose plutôt une somme d’expériences, témoignages et anecdotes propres à édifier qui saura méditer sur l’absurdité des choses – et en rire. Avec son trait fin et son art de tordre la réalité, il atteint les sommets de l’absurde, devenant ainsi l’égal d’un Ionesco, d’un Jarry ou d’un Pierre La Police.
Le Sens de la vie et ses petits. Par Éric Veillé. Cornélius, 160 p., 17,50 €.
À (re)lire sur le site….
L’interview de Marie Spénale, autrice de l’envoûtant Il y a longtemps que je t’aime.
L’interview de Jean Crémers, auteur du palpitant Le Grand Large.
Et notre retour sur quelques albums incontournables de l’année :
Le Roi Méduse (immense Brecht Evens)
La Dérive (une des révélations de l’année)
Le Dieu-Fauve (fable fascinante sur la violence)
Victory Parade (claque expressionniste)
Contes de la mansarde (pour les fans de nouvelles horrifiques)
Je suis un Américain (makes bande dessinée great again)
À bientôt pour une nouvelle newsletter… un peu moins bisounours, promis !